La recherche des attentes collectives par des méthodes de créativité
En juin 2020, Marie Renée Rollet a accepté de témoigner sur son dernier Atelier : « L’après déconfinement, dans quel sens allons-nous ? »
Marie-Renée Rollet, pourquoi cette thématique ?
Marie-Renée Rollet : Cette pandémie qui nous a contraint à deux mois de confinement, comme si le temps s’était arrêté, et a amené chacun à se poser de nombreuses questions sur « l’après » : le travail aura-t-il changé, continuerons-nous le télétravail, la mondialisation ? Y aura-t-il un vaccin pour que nous puissions sortir ?
Les nombreux articles de scientifiques, de réflexions philosophiques et les études statistiques nous ont stimulés dans cette réflexion.
Cependant, exprimons-nous les mêmes idées dans un discours, un échange avec d’autres personnes que celles qui peuvent émerger au sein d’un groupe de recherche du sens dans lequel nous sommes engagés ?
Vous dites que dans une réunion d’éléments autonomes et avec quelques règles adaptées, on peut faire émerger un ensemble aux performances supérieures à la somme de chacun de ces éléments.
Marie-Renée Rollet : Tout à fait, il s’agit de l’application du principe d’émergence « le tout est supérieur à la somme des parties »
L’innovation, l’émergence d’idées profondes encore en l’état de germination dans notre esprit sont supérieures quand elles s’effectuent en dehors d’un système organisé sur un schéma logique. C’est ainsi que James Surowiecki a démontré en 2004 comment une foule, un groupe d’individus peut prendre des décisions souvent bien plus pertinentes que celles des experts. Elles sont plus pertinentes car elles sont cohérentes avec nos attentes profondes.
Ces démarches sont souvent utilisées quand une structure a besoin que l’ensemble des acteurs prennent conscience du sens dans lequel ils sont engagés. Et c’est presque toujours un étonnement, une découverte, qui se révèle ensuite très pertinente pour s’orienter dans de nouvelles actions !
Et qu’avez-vous découvert à l’occasion de cet Atelier « l’après déconfinement, dans quel sens allons-nous » ?
Marie-Renée Rollet : Effectivement, j’ai proposé cet Atelier à un groupe d’une douzaine de personnes d’origines différentes et ne se connaissant pas. Ils ont travaillé en groupe avec une animation de la réunion par des méthodes de créativité.
Les résultats obtenus par le travail de ce groupe démontrent donc une tendance très forte d’attentes par rapport aux relations humaines en symbiose avec la nature et une recherche d’espaces différents en architecture et en urbanisme
Voulez-vous dire que les relations humaines sont un des axes du Post Déconfinement ?
Marie-Renée Rollet : Ce que je veux dire c’est que ce sont les valeurs ou priorité de vie en relation avec l’amitié, la famille, la proximité de l’autre et le besoin d’être en contact qui ont émergé majoritairement.
Les mots utilisés pour synthétiser tout ce qui a été exprimé sont : Relations humaines, Echanges, Vivre et Rencontrer les autres.
Toutes ces catégories d’attentes contiennent très fortement des besoins de vie, de rue, de bar, de restaurant, de relations avec les voisins, de relations sincères et de vie quotidienne et même …des embrassades …Le tout dans un espace proche de nous.
Que signifie un espace proche de nous ?
Marie-Renée Rollet : Lors de cet Atelier d’intelligence collective est apparu la recherche de la nature qui est d’ailleurs vécue comme une sensation de liberté : beaucoup de mots, tels que : montagne, forêt, promenade, oiseaux.
De plus une nouvelle façon de penser l’espace apparait de manière significative : qu’il s’agisse d’urbanisme ou d’espace dans l’immobilier et devant impérativement être pensé en réponse au besoin de l’être humain ! Là, les mots Nature, Environnement, Urbanisme, Espace sont des priorités fortes .
Et en un mot tout est plus près, tout est plus lent ! !
Les résultats de l’animation que vous avez proposée semblent évidents.
Marie-Renée Rollet : Oui, tout le monde s’y retrouve sans doute et même l’exprime comme une évidence ! Pourtant, quand les questions sont posées dans un discours rationnel en amont d’un tel travail, les expression sont plutôt : le respect de la santé, une autre manière de penser l’économie avec des circuits courts, une manière différente d’organiser le travail parce que « c’est plus raisonnable, c’est mieux, c’est ce que l’on devrait dire ! »
Ces thèmes sont aussi apparus dans la production du groupe mais avec des scores beaucoup moins importants et même non prioritaires ; la santé est plus exprimée sous le terme médical.
Et enfin, en dernier lieu : les loisirs, la culture, et le travail s’expriment avec seulement quelques mots, et les loisirs ne sont plus en termes de consommation. Cela signifie qu’ils sont moins présents dans nos aspirations collectives profondes : ils font partie de l’immédiateté, du quotidien, des obligations.
Y a-t-il des freins à répondre à ces attentes profondes ?
Marie-Renée Rollet : Au cours de ce type de travail, il peut apparaître des freins importants à s’engager dans cette dynamique.
Ici, le groupe a révélé deux grands freins : la peur et la mascarade et nous savons que lorsqu’il y a ces difficultés importantes, il faut d’abord les traiter pour libérer la nouvelle dynamique dans laquelle nous pourrions nous engager.
Alors qu’allons-nous faire ou comment allons-nous nous y prendre pour libérer ce nouvel élan vers l’autre ?